Paris, 20 juin 2017

CGPC (Association française des Conseils en Gestion de Patrimoine Certifiés) fêtait ses 20 ans à l’UNESCO jeudi dernier et ce fut une belle convention[i], en présence de professionnels emblématiques, de partenaires fidèles et, bien sûr, de membres CGP représentatifs de plusieurs générations. Ce qui permit d’établir un bilan des actions menées et progrès enregistrés depuis 20 ans d’une part et, d’autre part, de mettre en perspective les challenges majeurs qui sont autant d’opportunités pour le CGP certifié de confirmer et conforter son rôle sur un marché du patrimoine à la fois très chahuté et très concurrentiel.

Les 4 E fondateurs : il est toujours difficile d’avoir raison trop tôt

Flash-back sur les valeurs fondatrices de la certification de CFP [ii] dont l’ADN prend racine dans la satisfaction du besoin client : « Education, Experience, Examination, Ethics ». Force est de reconnaître que la réglementation européenne qui, actuellement, martyrise tellement les professionnels du patrimoine, quels que soient leurs positionnements respectifs sur la chaîne de valeur, confirme bel et bien la pertinence de cette certification, véritable label d’excellence. On ne peut que regretter aujourd’hui encore son déficit de notoriété. Gageons que la contribution à l’éducation financière du consommateur épargnant telle que l’envisage CGPC en s’appuyant sur les nouveaux canaux devrait permettre à celle-ci une meilleure promotion de ses atouts en touchant plus efficacement les cibles de ses adhérents. 

Le comportement des consommateurs-épargnants français [iii]: quand les biais cognitifs s’invitent dans leurs perceptions au regard tant du risque que de la performance

C’était l’occasion, là aussi, de rappeler que, initialement,  l’investisseur avait pour objectif de gagner de l’argent avec son épargne - et ce faisant, de renoncer à la consommation - et qu’il était guidé par trois critères : sécurité, puis liquidité, enfin rendement. Aujourd’hui son aversion au risque est toujours aussi forte ; les facteurs exogènes de type crise financière et chômage ont développé encore davantage son comportement de précaution. Et si 87% des Français ne sont pas heureux en termes de rendement, c’est qu’ils ont le sentiment d’un non choix face à de multiples facteurs qu’ils ne comprennent pas. Résultat, quand on observe les supports qui ont leurs faveurs, sont cités l’assurance vie - dont le fonds Euro a  bénéficié d’un transfert massif des dépôts à vue depuis 20 ans et qui est tout sauf un placement liquide - et l’immobilier qui constitue les 2/3 du patrimoine des ménages au titre d’investissement sécurisant. L’engouement pour la pierre papier qui s’est particulièrement distingué en 2016 - collecte supérieure à 5,5Mds € sur moins de 200 SCPI  pour un rendement moyen de 4,63% - mérite d’être signalé : les frais de souscription et ceux de gestion très élevés viennent pourtant plomber la performance et c’est un placement long et illiquide. Que le lecteur se rassure, la SCPI est un investissement conseillé au titre de la diversité, donc en faible proportion rapporté au portefeuille global. En revanche, pour en revenir à l’immobilier en général, il convient de ne pas perdre de vue les projets de taxation supplémentaire annoncés par notre nouveau Président de la République. On ne saurait traiter ce paragraphe sans aborder les Français et leur retraite ; celle-ci est le premier poste de protection sociale du pays. Or aujourd’hui, 79% des sondés sont inquiets car ils considèrent que leur retraite sera insuffisante - les jeunes, eux, pensent qu’ils n’en auront jamais - et 72% considèrent qu’à moins de 10 ans le système de retraite fera faillite. Bien entendu, ce sont les mêmes qui ne s’y préparent pas. Et que dire alors de la dépendance ? Si ¾ des Français pensent qu’ils sont susceptibles d’être en situation de dépendance, ils sont une minorité à souscrire une assurance en la matière car ils croient encore dans l’Etat Providence.

Le repositionnement stratégique en B2B2C des Robo Advisors: des acteurs pas si menaçants que cela

Comme nous sommes loin de la Convention CGPC 2015 pendant laquelle nous avions assisté à un véritable pugilat entre FinTech et CGPC, les premiers avec toute l’arrogance de la jeunesse avaient alors la prétention de se substituer aux seconds. Deux ans plus tard, les jeunes fondateurs de ces robo advisors ont retrouvé une posture plus humble, ayant découvert que leur seule chance de survie sur ce marché du patrimoine extrêmement concurrentiel consistait à se positionner comme partenaire support technologique des CGP - « Ces FinTechs devenues les plus grandes alliées des CGPI » pouvait-on lire dans l’édition de juin de Investissement Conseils -. On ne le redira jamais assez : le coût d’acquisition d’un client est élevé et le processus engagé suppose que vous soyez légitime et que votre cible reconnaisse cette légitimité. De fait, les chiffres en témoignent - les placements en ligne représentent quelque 15 à 16% seulement -, il n’y a pas eu ce raz de marée annoncé et il convient de relativiser l’effet générationnel : les 18-24 ans épargnent peu et démontrent un mimétisme au regard du comportement investisseur de leurs parents, à savoir que l’immobilier vient en tête des supports sous-jacents.
A l’étranger, les métriques ne disent pas autre chose et on retiendra ici le point de vue sur la question exprimé par l’un de nos trois conférenciers membres du FPSB : « FinTechs make us not be embarrassed to charge for our advice »

Le défi réglementaire : une opportunité plus qu’une contrainte ?

La présence du régulateur - en la personne du directeur du contrôle des pratiques commerciales à l’ACPR - jette toujours un froid dans ce type d’événement même quand il s’agit, du propre aveu de notre conférencier, de tordre le coup à certaines idées par rapport à la réglementation. Non sans avoir rappelé préalablement l’objectif recherché par les dernières directives, à savoir : la réduction de l’asymétrie d’information - il convient d’informer le client, de l’éclairer - et d’assurer un même niveau de protection des investisseurs quel que soit le canal de distribution utilisé. En ce sens, la DDA [iv] - sur laquelle portait son intervention essentiellement - s’adresse à tous les distributeurs, intermédiaires ou non.  Et de faire le distinguo entre le devoir de conseil, induit précisément par la DDA, et le service de conseil, détachable de la notion de produit, qui relève davantage de la MIF[v]. On ne peut donc que se féliciter d’une meilleure articulation entre gouvernance produit et conseil, d’une réduction progressive des conflits d’intérêt et d’une suppression des incitations lorsque celles-ci ne se justifient pas. Sans compter toute une série de points d’attention visant à l’harmonisation des pratiques au niveau européen. Pour autant, quid de la convergence des directives MIF et DDA ?

Coup de froid de l’Assurance Vie vs coup de chaud de la Pierre Papier

Retour sur une collecte brute de l’assurance vie en recul sur le premier trimestre 2017 ; dont on comprend rapidement que c’est une excellente chose puisqu’elle a été voulue. De fait, c’est la collecte sur les fonds euros qui baisse, au profit d’une collecte en unités de compte (UC) dont la forte croissance ravit tous les membres de la profession ; et témoigne de l’appétence des épargnants patrimoniaux - plus que ‘retail’, ces derniers ayant besoin d’une épargne de précaution à laquelle répond le fonds en euros - pour le risque et pour les belles histoires - tout le monde s’accorde à dire qu’il n’y a plus rien à raconter sur les fonds euros -. Et donc l’avenir c’est l’UC qui conjugue un double avantage : il permet aux assureurs de se défosser du risque et aux épargnants de faire de l’épargne utile pour l’économie. Mais une mise en garde s’impose : parce que les UC peuvent couvrir toutes les classes d’actifs et tous les styles de gestion sur toute l’échelle de risque, leur sélection requiert un véritable devoir d’adéquation - jugé plus pertinent que le devoir de conseil - et un service de conseil et d’accompagnement.      
Ce coup de froid que subit l’assurance vie est-il susceptible de durer ? Auquel cas, ce placement risque-t-il d’être concurrencé dans le patrimoine des Français par la pierre papier sortie de l’ombre en 2016 ? Certes, la SCPI présente aujourd’hui le couple risque-rendement le plus attractif du marché mais ce n’est que l’épaisseur  du trait de l’épargne. Quant à l’OPCI qui génère un rendement inférieur à celui de la SCPI mais assure une plus grande liquidité, il connaît également une belle ascension mais il représente, là encore, un support d’investissement parmi d’autres au titre de la diversification de son portefeuille. Dans tous les cas,  il est du devoir des conseillers en gestion de patrimoine de faire prendre conscience à leurs clients des risques existant aussi bien sur l’immobilier - en danger d’obsolescence -, que sur les fonds en euros ou encore sur les UC structurées.

Demain : quel modèle pour le conseil en gestion de patrimoine ?

Nous vivons aujourd’hui une période de rupture et il serait vain de penser que le CGP, certifié ou pas, peut échapper à une réflexion portant sur le devenir de son modèle d’affaire. Quel contenu pour le conseil, quelle place pour le numérique ? Autrement dit, comment équilibrer le phygital tout en visant la rentabilité de son modèle ? Est-ce que le client veut du conseil pur ou, au contraire, un conseil suivi d’une recommandation précise en matière de produit ? Tout en tentant d’apporter des réponses à ces questions et d‘autres encore, il a été rappelé que la facturation des honoraires était un sujet marronnier depuis plus de 15 ans et que si quelques Multi Family Officers pouvaient se prévaloir d’un modèle 100% honoraires, rares étaient les CGPI  à pouvoir en vivre ; y compris les cabinets de création récente qui se sont lancés sur un modèle 100% honoraires et ont fini par renoncer au bout de 18 mois. Qu’il est regrettable que cette décision de prendre des honoraires ne soit pas collective ! Le corollaire étant d’avoir une conscience précise de la valeur ajoutée que chaque CGP propose à ses clients. Et c’est là que les facteurs exogènes sont favorables aux honoraires : l’environnement taux zéro qui élimine d’emblée les fonds en euros induit la nécessité d’être conseillé pour sortir de cette équation nulle, le défi réglementaire qui induit un exercice de traçabilité et de justification du conseil fourni participe à la formalisation de la valeur ajoutée et le numérique peut rendre efficient le process sous-jacent et heureuse l’expérience client. Ne peut-on s’attendre à un alignement d’intérêts entre clients et CGP dans un horizon à 5 ans ? L’auditoire en semble convaincu. En revanche, la taille critique ne fait pas l’unanimité eu égard à la réalité des cabinets, souvent unipersonnels. Comme toujours, c’est une notion qui fait sens quand elle est rapportée aux ambitions du chef d’entreprise. Reste que lorsqu’on peut afficher cette fameuse taille critique, le rapport de force vis-à-vis des fournisseurs prend un autre visage et le passage à un modèle économique basé sur une facturation 50% d’honoraires-50% de commissions est plus aisé ; sans compter que l’on peut se faire plaisir avec plein de projets. C’est ce que l’on appelle la symétrie des attentions


[i] Cf. Programme de la Journée
[ii] La certification de CFP (Certified Financial Planner) est administrée par le FPSB (Financial Planning Standards Board)
[iii] Enquête 2017 du Cercle de l’Epargne -Amphitéa : « Les Français, l’épargne et la retraite »
[iv] DDA : Directive sur la Distribution d’Assurances
[v] MIF : Directive sur les Marchés d’Instruments Financiers