Paris, 22 juin 2016

A l’occasion du premier Forum de la Gestion Privée organisé par l’Agefi le 2 juin dernier, l’organisateur m’a proposé de faire la synthèse des quinze dernières années de la gestion privée en France en… quinze minutes ! Défi relevé donc, comme je les aime, et en voici le résumé.

D’un environnement confidentiel et confiné au secret, la Banque Privée en France est sortie de son cocon et a opéré sa mue ces 15 dernières années, qui ont été tout sauf un long fleuve tranquille pour les membres de la profession et leurs clients. Flashback.

Le client éligible à la banque privée, qui est-il ? A l’instar de la Maison qui assurait la gestion de son patrimoine, il est longtemps resté dans l’anonymat. Le voile s’est levé sur lui, sous le joug du CRM et de son corollaire, la segmentation. Il a pu se rendre compte que si les Maisons s’intéressaient au montant des avoirs qu’il était disposé à leur confier, elles étaient tout aussi sensibles à son potentiel. Malgré le manque de rigueur sur son suivi jusqu’en 2012, car les acteurs sont alors rattrapés par un nouveau dictat, celui de la rentabilité. Ceci dit, le marché de la banque privée n’est-il pas celui de l’entrepreneur cédant ? En tous cas, celui-ci est la cible de tous les acteurs depuis 2004.

Focus sur le sourcing client… dont la recommandation est le vecteur de prédilection mais qui est loin d’être inné dans ce métier. Mais des synergies intragroupes, quand c’est possible, et l’émergence de prescripteurs et d’apporteurs d’affaires chez les pure players se sont développées. Et les canaux alternatifs, concurrents ou prescripteurs partenaires, que sont les métiers du droit et du chiffre et les MFO ont gagné du terrain à partir de 2009, tous modèles confondus, venant compléter les efforts du chasseur. A partir de 2013, c’est le développement de l’image et de la notoriété qui devient objectif prioritaire pour la majorité des acteurs. 

Conquête ou fidélisation ?Toutes les crises produisant les mêmes effets, la fidélisation du client et la pérennité de la relation  redeviennent les premières priorités des acteurs. De l’opportunité de s’interroger sur les motivations du client : pourquoi vient-il, pourquoi reste-il ? Longtemps client-chien, attaché de façon inconditionnelle à son banquier privé, ou client-chat, préférant au banquier la maison qui l’héberge avec ses nombreux atours, le client privé est devenu depuis la crise mi-chien, mi-chat

Zoom sur le banquier privé…dont on dit souvent qu’il exerce un métier n’ayant pas d’identité véritable et qui, dans la pratique, s’est sacrément complexifié. De libéral solitaire, le banquier privé, spécialiste de rien, généraliste de tout, est devenu homme orchestre, animateur d’une expertise collective.Pour réussir, il a une équipe derrière lui : c’est la révolution de ce métier ! Mais force est de reconnaître que nous sommes encore bien loin du collaboratif.

… et sur sa wallet. Celle-ci n’a cessé de s’étoffer et de se sophistiquer, innovation oblige, allant jusqu’à instiller dans certains esprits un doute : la gestion financière est-elle devenue une simple commodité ou reste-t-elle l’essence du métier ? En tout état de cause, les états-majors partagent la même certitude concernant cette offre pléthorique : différenciante, c’est elle qui fait venir et rester le client.Mais l’offre peut-elle encore faire la différence quand on sait que dans la très grande majorité des institutions le déficit de faire savoir sévit…

Zoom sur la banque privée …. A l’instar des banquiers privés, les banques ont, elles aussi, été challengées : par les clients, d’abord, mais aussi par la recherche de rentabilité et de son corollaire, la taille critique, l’éternel dilemme restant celui de la recherche de PNB supplémentaire, supposant souvent de nouveaux  investissements, ou la maîtrise accrue des coûts.

…. Et la multiplicité des modèles. Le champ concurrentiel est devenu beaucoup plus ouvert et comprend moins de stars. Dans un environnement d’hyper concurrence, d’hyper réglementation, d’hyper information des clients, il s’agit de trouver l’alchimie heureuse entre la marque, les hommes et les offres. Et les maîtres mots sont devenus expérience client, relation omnicanale sans couture, création de valeur, vérité des prix et innovations digitales. Quel sera demain le juste rôle des Fintechs et des robo advisors ? Les banquiers privés seront-ils capables d’exploiter leurs forces et faiblesses ?

 

Le gérant privé de demain ?

(illustration Chris De Becker)