Paris, le 4 novembre 2015

amGroup : Il était tentant, en ces temps de « disruption » et de digitalisation extrêmes et donc d’évolution des comportements des épargnants, de jeter un œil dans le rétroviseur, de s’interroger sur le contexte actuel et sur les perspectives de la distribution des produits d’épargne en ligne. Pour en savoir plus, nous avons réalisé une enquête auprès des acteurs de la profession, à l’initiative d’Eric Girault, fondateur de mes-placements.fr, démarche initiée à l’occasion de l’anniversaire des 15 ans de son site.

Que faut-il penser de ce marché aujourd’hui ?

Le marché de l’épargne en ligne a été bien moins dynamique que nous ne l’escomptions. Pour mémoire, des sociétés de prospective telle que Forrester Research voyaient l’assurance vie en ligne à 10 % du marché en 2010, or nous ne sommes qu’à 3 % en 2015  – et encore ce début de décollage est récent.

Néanmoins, nous avons toutes les raisons d’être optimistes dans la mesure où nous constatons aujourd’hui :

  • qu’il y a une véritable pénétration dans toutes les classes de la société. Alors que les souscripteurs « early-adopters » étaient des cadres supérieurs ou des professions libérales, les souscripteurs d’aujourd’hui ont un profil beaucoup plus varié : cadres, mais également salariés non cadres et un nombre croissant de retraités, preuve que l’utilisation d’Internet se diffuse largement ;
  • que nous ne rencontrons plus les objections que nous pouvions rencontrer il y a 10/15 ans, dont notamment : « et si vous veniez à disparaître ? ».

Aujourd’hui un compte bancaire sur trois est ouvert dans une banque en ligne. La Société Générale et BNP Paribas ont annoncé récemment la fermeture à horizon 2020 de 20 % de leurs agences. Cela confirme que nous avions raison de penser dès 1999 que le conseil pouvait être délivré à distance !

Nous avons survécu à de multiples mutations technologiques. En 15 ans, elles n’ont en aucun cas freiné notre développement et n’ont pas modifié notre modèle économique.

Il ne faut pas oublier que les évolutions technologiques doivent être au service du client et l’accompagner. Cela reste un moyen et non une fin. Si nous avions été, il y a 10 ans, une société avant tout  « techno », nous serions probablement passés à côté de notre marché car nos clients n’étaient ni prêts ni demandeurs !

Il n’était donc pas essentiel d’avoir un site web avec beaucoup de technologie et des contrats avec une souscription 100 % digitale. En revanche, il fallait avoir un site simple avec une bonne ergonomie et en parallèle, être capable d’envoyer par courrier les documents dont le public a besoin : dossiers de souscription, plaquettes des produits, formulaires d’actes de gestion...

Toutefois, les modes de consommation continuent d’évoluer ! Internet et la numérisation ont complètement bouleversé notre quotidien et vont continuer à le révolutionner. Nous nous devons donc d’accompagner nos clients dans cette évolution.

Comment voyez-vous l’avenir ?

A horizon 10 ans, Il y aura tellement de mutations dans les usages digitaux qu’il est difficile d’imaginer ce que sera notre futur. Si l’on ajoute à cela les problématiques règlementaires, la probable obligation de transparence sur les rémunérations… je pense pouvoir affirmer que le modèle du conseil en gestion de patrimoine indépendant ou en banque traditionnelle tel que nous le connaissons depuis 20 ans va souffrir !

Aujourd’hui,il nous faut donc devenir une véritable société digitale afin d’accompagner les nouveaux usages de nos clients et leur offrir plus de services :

  • un accès client unique pour consulter et gérer l’ensemble de leurs contrats souscrits ;
  • un accès à leur situation consolidée de l’ensemble des contrats et produits détenus ainsi qu’à des outils d’analyse, de recommandation et d’aide à la décision ;
  • une interface regroupant toutes les informations clients ; ces dernières doivent être immédiatement mobilisables pour éviter au client de devoir les ressaisir dès qu’une nouvelle obligation règlementaire l’exige ; en bref, simplifier la vie du client !
  • la souscription en ligne ;
  • etc.

Le constat est également qu’aujourd’hui, il est certain qu’« une intelligence artificielle » peut remplacer l’homme dans de nombreux domaines et permettra à terme d’apporter une solution personnalisée en fonction d’éléments saisis par le client. Ce sera la gestion de patrimoine 2.0.

Que pensez-vous des Fintech et des robo advisors ?

Je suis beaucoup plus réservé en ce qui concerne les Fintech, et plus précisément la gestion automatisée, pour les raisons suivantes :

  1. Investir son argent c’est investir sa confiance. Les épargnants sont-ils prêts à faire confiance à des algorithmes qui à ce jour n’ont rien prouvé en termes de performances pour gérer leur épargne ? Cela n’est pas évident dans la mesure où il s’agit d’une offre qui à ce jour ne répond pas à une demande.
  2. Si un algorithme permettait d’acheter au plus bas et de vendre au plus haut cela se saurait depuis longtemps. Cette prétention récurrente à trouver un système infaillible pour battre le marché est assez naïve.
  3. Les Fintech partent du constat que 80 % des gérants ne surperforment pas leurs indices de référence. Toutefois c’est un constat de professionnels et non un constat de particuliers. De plus, c’est oublier que 20 % surperforment ; 20 % des fonds du marché offrent déjà un choix extrêmement vaste.

Les Fintech européennes s’inspirent des modèles américains (Wealthfront, Betterment…) mais il ne faut pas oublier que le marché américain est complètement différent : une culture « actions » du public sans commune mesure, pas de retraite par répartition, pas de fonds en euros, des épargnants plus enclins à prendre des risques…

Si l’on pousse plus loin l’argumentation en provenance des Etats-Unis, on peut constater que la gestion passive s’est très bien développée sur son marché (on imagine mal un épargnant américain acheter des ETF sur les marchés européens). Le marché américain n’a pas vraiment connu de crise… depuis mars 2009, il est pratiquement en ligne droite. Nous sommes donc en droit de nous demander : qu’en sera t-il sur des marchés plus heurtés et moins directionnels ?

Pour conclure sur ce sujet, et si on recentre le débat sur notre marché, on peut imaginer des cycles économiques plus courts, plus heurtés et donc moins dynamiques que précédemment. Ceci étant en partie dû :

  • à la fin du grand mouvement de baisse des taux, qui a poussé les marchés depuis le début des années 80 (les taux administrés sont à zéro et guère plus sur les marchés obligataires) ;
  • au vieillissement des baby-boomers, ce qui affecte leurs dépenses et leurs investissements (immobilier) entretenant ainsi des pressions déflationnistes.

Dans ces conditions, avec des mouvements boursiers plus rapides et volatils, avec une performance globale moins forte, il faudra donc être mobile pour faire la différence ! Ce que ne propose pas une gestion indicielle.

L’arrivée des Robo Advisors quant à elle met en évidence le besoin des épargnants d’un accompagnement dans la gestion de leur épargne et la réalisation de leurs projets. Il est certain qu’en-dehors d’une minorité d’épargnants capable de choisir eux-mêmes leurs supports parmi une offre de 300 à 500 Unités de compte, la majorité a besoin d’être accompagnée et guidée.

Quelle est la bonne solution : gestion conseillée, gestion pilotée, algorithme… ?

Notre réponse nous a fait privilégier l’humain, l’expérience et les compétences, ce que les initiatives que nous prendrons dès l’année prochaine continueront à démontrer.