Paris, 13 mai 2014
Il y a un sujet marronnier dans notre secteur d’activité, c’est le nombre de sociétés de gestion qui se créent chaque année. Cette dimension-là est assez difficile à appréhender au premier abord, d’autant que pour apprécier le nombre de création de sociétés de gestion entrepreneuriales, il faut soustraire des chiffres officiels les créations de filiales de groupes bancaires ou d‘assurances consécutives à leurs restructurations, ou celles qui font, par exemple, de l’OPCI, etc. Force est de constater qu’au bout, le solde net de création ne doit pas être loin de zéro aujourd’hui. En fait, cela fait des années maintenant que l’on dit que la création de nouvelles sociétés de gestion va finir par s’arrêter. En réalité, quand on regarde les chiffres de création de sociétés de gestion au cours des années 2007 à 2010, on ne voit quasiment pas les effets de la crise financière, certainement pas sur le nombre de sociétés de gestion qui se créent. Or, je me demande si on n’est pas en train aujourd’hui de changer de cycle. On peut observer sur le marché des mouvements qui n’étaient pas imaginables auparavant. Comme ces rapprochements entre certains acteurs, parfois assez différents, ces retraits d’agréments par l’AMF, ces sanctions, désormais souvent plus lourdes, ces fonds qui sont lancés avec des premiers tours de table faibles et dont les encours restent modestes durablement, et même ces sociétés de gestion qui ont bien marché pendant les premières années de leur vie et qui, au détour d’un rachat ou d’une deuxième opération de rapprochement, se retrouvent dans des positions extrêmement fragiles. Je suis préoccupé par ce qu’il est en train de se passer sur le marché à ce niveau et je pense qu’il est grand temps de lancer de vraies réflexions sur ces sujets.

Le deuxième point sur lequel j’aimerais attirer l’attention des dirigeants de sociétés de gestion entrepreneuriales est celui de la perte d’intérêt de certains, voire de compétences, sur la valorisation et l’administration des fonds ainsi que sur la chose comptable, en général. Je m’explique. Suite au mouvement d’externalisation, engagé depuis des années maintenant, des fonctions d’administration de fonds vers des structures spécialisées, on peut observer dans les sociétés de gestion un désintérêt et, par conséquent, une perte de compétences relatives à ce qui touche à la valorisation des fonds et leur comptabilité. Pour preuve, la composition de la commission relative à ces sujets que j’anime à l’AFG dans laquelle on ne retrouve plus, réellement régulièrement présente, que trois ou quatre sociétés de gestion, tous les autres membres étant prestataires de services. Or, la comptabilité et la valorisation sont de la responsabilité des sociétés de gestion, tout comme le choix des règles et des méthodes comptables retenues, figurant dans les documents et dans les annexes des comptes annuels. A propos de ces derniers, et qu’on me permette de faire une généralité, pour toute entreprise française dont on arrête les comptes chaque année, un conseil d’administration se réunit pour se pencher sur ceux-ci, pour spécifier qu’ils sont réguliers et sincères de sorte qu’une assemblée puisse les approuver ensuite. La question que je me pose est de savoir qui, au fond, arrête nos comptes annuels, notamment pour les fonds communs de placement. En règle générale, un obscur comptable comme moi, contrôlé directement par un un peu moins obscur commissaire aux comptes s’accordant ensemble quant au contenu et à la présentation des comptes. Sauf qu’en cas de litige avec un porteur, les autorités judiciaires prendront connaissance de l’ensemble des pièces juridiques et comptables, ce qui leur permettra de vérifier s’il y a bien concordance entre les textes et la réalité… Or, in fine, ce serait bien la responsabilité juridique de la société de gestion et de ses dirigeants qui serait engagée en premier lieu. Il est donc important que les responsables de nos sociétés de gestion se penchent sur la manière dont les comptes de leurs structures sont arrêtés, comment ils le sont, comment l’information correspondante est produite et qu’ils continuent à s’investir sur ces sujets pour pouvoir les maîtriser.

Enfin, dans le même ordre d’idées, je terminerais par un dernier point, celui qui concerne la façon dont les textes réglementaires que nos autorités de tutelle nous concoctent sont reçus par notre profession. Parfois, nous constatons, avec nos confrères, un faible niveau de compréhension de ceux-ci par les sociétés de gestion et ce malgré les efforts prodigués en matière de communication, de pédagogie et de veille en général sur ces sujets. Et pourtant, au-delà du pur aspect juridique, ces dispositions impactent directement la stratégie, le positionnement et le développement des sociétés de gestion.