Paris, 28 septembre 2021

Observatrice assidue depuis plus de 20 ans du secteur de la Banque Privée avec un focus spécifique sur les acteurs de notre marché domestique, j‘ai eu le temps de prendre pleinement conscience de la place occupée par le client au centre des préoccupations de la chaîne de valeur Front-to-Back en vigueur dans toutes les Maisons ; avec, bien sûr, une relation de confiance inébranlable construite dans la durée entre le client et son banquier privé. Aussi je m’étonne d’autant plus que le concept de Symétrie des Attentions ne se soit pas davantage déployé au sein de la profession pour venir corroborer la recherche de dialogue avec ses différentes parties prenantes.

A l’heure où, d’une part, la RSE devient un ‘business driver’ pour un nombre croissant d’entreprises - certaines d’entre elles se trouvant sur le chemin de l’entreprise à mission -  et, d’autre part, l’Académie du Service publie son Index ESG de la Symétrie des Attentions, il me semblait opportun de revenir sur les concepts et méthodes sous-jacents.

Un questionnement sur sa relation à soi et aux autres

La Symétrie des Attentions est le principe selon lequel la qualité de la relation client est égale à la qualité de la relation entre l’entreprise et ses collaborateurs. Ce postulat établit ainsi un pont entre une volonté marketing qui se traduit par « satisfaire davantage ses clients » et une nécessité humaine, portée par la Direction des Ressources Humaines, qui est tournée vers un engagement toujours plus fort des collaborateurs. Et parce que ceux-ci  sont amenés à reproduire une qualité comportementale qu’ils ont vécue, on comprendra aisément que l’exemplarité managériale soit un pré-requis. Aussi développer la Symétrie des Attentions dans son organisation implique-t-il une réflexion sur sa relation à soi et à autrui, c’est-à-dire les différentes parties prenantes de l’entreprise.

Au-delà du constat, la mesure fondée sur une démarche scientifique

Le postulat de départ est l’impact de la qualité de la relation de travail sur celle de la relation client ; ainsi, déjà en 2015, 77% des consommateurs estimaient que la qualité de vie au travail impactait la qualité service[1]. L’excellente étude[2], coproduite en 2019 par mes confrères de Roland Berger avec Club Med, qui démontrait que l’ère de l’individu avait montré ses limites et laissait la place à l’ère de la considération, partait du constat que 70% des consommateurs sont plus fidèles à une marque qui se distingue par le bon traitement de ses collaborateurs. Or 55% des salariés français pensent qu’au sein de leurs entreprises, la satisfaction des clients est plus importante que la leur[3]. Il devenait alors tentant de vouloir mesurer cette interaction pour mieux comprendre le lien entre la culture d’entreprise, ses valeurs, les attitudes et la satisfaction des collaborateurs pour, in fine, évaluer l’impact sur la perception de qualité des clients.

Concrètement, on définit la dizaine de domaines clés de l’expérience client que l’on va analyser en sondant un échantillon représentatif des clients de l’entreprise ; puis, en miroir, on interroge un panel de collaborateurs sur la qualité de l’expérience vécue par les clients et l’ancrage de la culture de service dans l’organisation. L’alignement et la cohérence des résultats des enquêtes clients et collaborateurs traduisent en symétrie les forces de l’entreprise sur lesquelles elle peut s’appuyer pour créer de la valeur ; elles mettent aussi en exergue les points de vigilance et axes d’amélioration sur lesquels porter ses efforts.

Pour avoir effectué l’exercice en 2017 au sein de la société de gestion Amplegest où, après avoir sondé un échantillon de ses clients privés, j’ai interviewé en face à face l’ensemble de ses collaborateurs, laissez-moi vous dire que les résultats sont probants et la corrélation évidente entre « Equipe heureuse, Clients heureux ». A noter d’ailleurs que la Symétrie des Attentions est une des trois valeurs qui animent les équipes de cette SGP depuis la fin 2016.

L’Académie du Service, elle, a lancé dès 2014 son Baromètre annuel de la Symétrie des Attentions  dans plusieurs secteurs de l’économie dont la Banque et l’Assurance. Ce qui permet aux entreprises de ces secteurs couverts par le Baromètre de se benchmarker au regard de leurs pairs notamment.

Du Baromètre de la Symétrie des Attentions à l’Index ESG de la Symétrie des Attentions

Forts de la conviction que, à côté des impacts concrets des actions RSE, la perception par les clients et les collaborateurs des engagements sociétaux contribue à l’engagement des collaborateurs et à la satisfaction des clients, les Académiciens du Service ont complété récemment leur questionnaire pour permettre de mesurer également cette perception.

Si j’ai pu m’étonner dans un 1er temps, qu’ils aient osé libeller leur outil de mesure « index ESG », j’ai compris ensuite, en échangeant avec eux et en écoutant leur premier client[4] à l’avoir décliné dans sa structure, que la Symétrie des Attentions est bien un indicateur de mesure fiable sur la dimension Sociétale dès lors que l’entreprise mesure de façon concomitante la satisfaction client et la satisfaction collaborateur. En outre, cette mesure du S note deux paramètres stratégiques de la performance extra-financière des émetteurs :

  • le bien-être au travail généré par l’environnement professionnel dans ses dimensions d’organisation, de management, de contenu, des missions et de sens ; et le bien-être au travail est aussi composé d’une dimension sociétale où l’Environnement et la Gouvernance tiennent une place centrale ; ce faisant, la mesure du S permet aussi de mesurer le E et le G
  • la satisfaction du client qui témoigne de l’approbation par le client de l’action E et de la qualité du G des émetteurs ainsi que de sa perception de l’épanouissement des collaborateurs

Et donc, si les résultats sont en cohérence, leur interaction les consolide ; si les résultats divergent, leur interaction les fragilise.

Un indicateur d’impact lisible pour tous, y compris pour les néophytes en finance durable  

Dans un environnement normatif de plus en plus contraignant, où la taxonomie et la prolifération des labels  peinent à réconcilier les visions et les intentions, il apparaît que la Symétrie des Attentions, tout en nourrissant l’image de la marque de l’entreprise, ouvre la voie pour explorer la nature des engagements que celle-ci souhaite prendre vis-à-vis de toutes ses parties prenantes, à commencer par ses collaborateurs et ses clients.

En ce sens, elle constitue un véritable levier de transformation. Et puisque l’ensemble des agents économiques ont été invités à se réinventer depuis le début de la crise sanitaire en opérant un retour à l’essentiel, redéfinir sa posture relationnelle en l’appuyant sur un socle de valeurs et attitudes communes  est sans nul doute un bon moyen pour embarquer toutes ses parties prenantes et leur témoigner une considération bien souvent mise en défaut. De là à aligner les engagements que l’on porte et les actions que l’on décline au quotidien dans une recherche de cohérence, il n’y a qu’un pas … Et si d’aventure vous cherchez (encore) à démontrer la sincérité de la démarche, nous vous invitons à vous inspirer de la caméra cachée mise en scène cette année par la MACIF.


[1] Source Baromètre de l’effort client AFRC Médiamétrie

[2] Démontrer la création de valeur de l’économie de la considération

[3] Baromètre Cultures Services  publié en 2019 par l’Académie du Service

[4] COFIDIS a fait de la Symétrie des Attentions une partie intégrante de sa politique ESG